Gaël, premier chef de quart paraplégique sur un Volvo Ocean de 60 pieds

Sur la Rolex Middle sea race, Team Jolokia parie une fois de plus sur la force de la diversité et réalise une première : donner la responsabilité de chef de quart sur ce type de voilier extrême à une personne handicapée.
L’équipage de la différence est donc managé par Artur, marin polonais de 25 ans et Gaël, consultant en architecture des logiciels et paraplégique. Gaël, chef de quart, Didier, équipier et Pierre, skipper et team manager réagissent.

Prise de vues à bord de Team JOLOKIAGaël, chef de quart Team Jolokia
Être chef de quart sur un Volvo Ocean 60′ avec votre handicap, n’est-ce pas source de stress ?

« Pour moi, le handicap n’est pas un frein dans mon poste de manager. Être chef de quart, c’est faire en sorte que toutes les manœuvres soient cordonnées. Je dois organiser, déléguer et prendre des décisions; mon physique n’est pas forcément impliqué. Bien sûr, si j’étais plus mobile je pourrais intervenir d’avantage techniquement. Je suis donc obligé de faire plus confiance aux gens et j’ai besoin qu’ils s’impliquent et communiquent de la meilleure façon. Mon rôle est aussi d’apporter mon expérience, notamment dans les situations difficiles. A bord de Team Jolokia, la mixité à bord nous contraint à plus de calme, d’écoute et de respect, des notions essentielles pour être performant.

Didier, équipier
Avoir un chef de quart handicapé, comment vivez-vous cela ?

“Pour moi, c’est une question de personne plus que de handicap. Gaël a une très grande expérience en tant que marin, il est solide et a su nous enseigner de nombreuses choses. Il a su nous donner de l’autonomie et nous a prêté confiance. Son expertise est telle que son handicap est dépassé. J’ai beaucoup appris de son management et cela ne me pose aucun souci que nous ayons une différence physique. C’est vrai que nous ne sommes pas habitués dans nos vies professionnelles à être managé par une personne handicapée. Le handicap est dans la tête plus que dans l’apparence. Nous devons adhérer à des compétences, à un style de management, nous n’adhérons pas à une apparence physique !”

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Pierre, skipper, Team manager et co-fondateur de Team Jolokia
N’est-ce pas un risque que vous prenez d’avoir un chef de quart paraplégique ?

“Bien sûr c’est un risque, et c’est bien cela qui en fait un atout ! Nos amis anglais disent toujours « no pain no gain », on pourrait traduire : si on ne mise pas, on ne gagne pas ! C’est toujours le cas quand on veut être dans la performance. Le monde évolue vite, les technologies, le mélange des populations, l’environnement extérieur. Dans un sport comme la voile où nous sommes au contact de grandes entreprises qui nous soutiennent,  nous sommes comme chacun impactés par ces changements, que ce soient ceux de la finance, du climat ou bien de l’invention d’une nouvelle fibre pour nos bateaux. Alors s’adapter, c’est le maître-mot ! Sortir de l’habitude fait toujours peur, mais au final le vrai danger c’est l’habitude, le manque de créativité.

Gaël est handicapé, et alors ? Il est compétent avant tout, et sa capacité de concentration et d’abnégation est rare. Elle impose le respect à tous. C’est un homme qui ne lâche pas son objectif même dans les moments durs, et il transmet cette énergie à son équipe. A bord, il apporte cette concentration et cet investissement collectif. Cette force est bien plus importante que son handicap. Des grands costauds, il y en a à la louche dans les salles de musculation. Il ne peut pas courir ? Et alors, j’ai plein d’équipiers qui peuvent courir et je n’ai pas besoin que tout le monde saute en même temps sur le bateau ! Des sportifs de haut niveau comme Gaël, c’est beaucoup plus rare que des gens qui courent.Il faut savoir dépasser l’apparence, dépasser ce qui choque comme le handicap. Regardez Beethoven qui était sourd quand il a composé ses dernières symphonies ou bien Rimbaud qui a écrit la majorité de son œuvre à l’adolescence.

Recherchons les compétences et le talent par-delà les apparences, faisons preuve d’adaptabilité dans un monde qui change. Pour moi, c’est la clé de la performance et du vivre-ensemble.”

Prise de vues à bord de Team JOLOKIA


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